article du canard enchainé du mercredi 5 mars 2025

CETTE ANNÉE, au Salon de l'agriculture, on pouvait caresser des vaches et discuter le bout de gras avec Patrick Pouyanné : le pédégé de TotalEnergies a décidé de prendre un stand au parc des expositions de la porte de Versailles. Une première… et sans doute pas une dernière. A l'heure où l'Hexagone prévoit, en 2028, une production totale de biométhane de 24 à 32 térawattheures (TWh), dont 14 à 22 TWh injectés dans les réseaux de gaz naturel les intérêts des grands énergéticiens sont étroitement liés à ceux des paysans.

La ruée vers l'or noir des méthaniseurs est en marche. Fumier, lisier, végétaux, céréales, déchets ménagers, déchets agro alimentaires, déchets graisseux, boues… Les méthaniseurs avalent tout pour cracher un gaz vendu entre 70 et 130 euros le mégawattheure Quant au résidu - le digestat -, il est utilisé comme fertilisant sur les terres agricoles. La méthanisation, sur le papier, c'est comme le cochon : tout est bon !

« Ceux qui ne seront pas capables d’injecter du biométhane dans les réseaux vont rapidement être pénalisés. Plutôt que de payer une amende, nous préférons l'acheter à un prix qui permette d'assurer une viabilité économique aux agriculteurs », justifie Xavier Passemard, directeur biométhane de GRDF.

Cultures à pleins gaz

Des propos qui font bondir René Louail, ancien porte-parole de la Confédération paysanne. « La méthanisation, s'offusque-t-il, c'est l'ennemi de l'agriculture paysanne, car ces énormes estomacs (les digesteurs) ont besoin d'intrants à fort potentiel méthanogène, comme le maïs, pour fabriquer du biométhane. Les agriculteurs sont donc tentés de cultiver des fourrages et des céréales destinés à rassasier ces appétits insatiables. »

Certes, un seuil maximal d'approvisionnement des installations de méthanisation par des cultures alimentaires de 15 % a été fixé pour éviter l'accaparement des terres au détriment des hommes et des bêtes, mais sera-t-il suffisant ?

Surtout, le méthane peut se révéler explosif. En 2020, France Nature Environnement Bretagne et Eaux et Rivières de Bretagne avaient demandé un moratoire après la fuite du méthaniseur de Châteaulin (Finistère), qui avait privé d'eau potable 180 000 foyers. En vain. « Nous sommes passés de 5,8 accidents par an pour 1 000 méthaniseurs à 39,6 depuis 2015, soit une accidentologie multipliée par 6,8 ! Et ce n'est pas fini… » alerte Daniel Chateigner, chercheur au CNRS et membre du Collectif scientifique national méthanisation raisonnable (CSNM).

A la fin de septembre dernier, ce groupe a publié un document à charge contre la filière méthanisation, qui « ne vit que grâce à des subventions hors norme [n'aidant] en rien les agriculteurs dans le besoin ». Émissions de gaz à effet de serre non prises en compte, appauvrissement des sols, pollution air-sol-eau… Le rapport déballe un inventaire de griefs à la Prévert, bien loin de la « voie d'avenir aux bénéfices multiples » décrite par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).

Y aurait-il comme de l'eau dans le gaz ?

                                                                                         L colvert

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